L’association Pré-textes a réédité le livre de Jeanne Cressanges:
La petite fille aux doigts tachés d’encre
Des personnages apparaissent, le grand-père, la mère, le père, Simone tant aimée et tant pleurée, mais ce sont des silhouettes qui croisent les émotions de la « petite fille » ; on ne raconte pas leur histoire, à ces personnages, mais leur traversée du champ des odeurs, des couleurs, des chants qui constituent la matière, l’essence de ce livre. « L’herbe se transforme en mots et, pour moi, les mots en herbe. »
Au détour d’une phrase, au saut d’un paragraphe, on devine que l’on a changé d’époque, de lieu, mais cela importe peu, ce sont les sensations qu’il s’agit de restituer, leur acuité, parfois leur douloureuse acuité et c’est toujours au filtre de l’aube que tout est perçu. « J’ai embrassé l’aube d’été » dit le poète qui n’a jamais quitté l’enfance et c’est aussi ce que fait Jeanne Cressanges, elle embrasse l’aube d’été, avec une ivresse peut-être déraisonnable c’est à cela que l’on mesure le degré de vie qui nous habite. La petite fille qui entreprend de dire sa vie intérieure de petite fille a les doigts tachés d’encre parce qu’elle ne fait que cela, écrire, elle ne sait faire que cela, écrire.
Georges Zaragoza